dimanche 8 octobre 2017

Catalogne: Légalisme contre démocratie.

Beaucoup de commentateurs de la situation en Catalogne ont confondu allègrement légitimité et légalité. Le référendum catalan est illégal selon une Constitution particulièrement rigide, il serait donc illégitime. Ce faux raisonnement épouse la voie légaliste et dangereuse qu’a prise le gouvernement d’Espagne en niant le droit démocratique du peuple Catalan de choisir librement son statut politique. Cette thèse affirme en somme qu’il serait démocratique d’imposer par la force à tout un peuple millénaire jadis indépendant, les décisions d’une Cour constitutionnelle au service d’un pouvoir espagnol.

Tout a pourtant été essayé depuis 2010 pour trouver une aire de dialogue avec l’État espagnol dans le cadre de la légalité établie par Madrid. Depuis le retrait par la Cour constitutionnelle espagnole d’une partie importante de l’autonomie de la Catalogne, auparavant approuvée en Catalogne par référendum, et même par le Gouvernement espagnol socialiste de l’époque, les demandes répétées de rétablissement de ce statut d’autonomie ont toujours été rejetées du revers de la main par Madrid. C'est ce blocage systématique de l'État espagnol qui a forcé le gouvernement catalan à procéder unilatéralement par référendum, faute de pouvoir le faire de concert avec le gouvernement espagnol, comme ce fut le cas lors du récent référendum sur l’indépendance de l’Écosse ou, dans les faits au Québec, en 1980 et en 1995. En cela il a été appuyé par 70% de la population. 

73% des bureaux de scrutin ouverts le 1er octobre
(images prise à la télévision catalane, le 1er octobre 2017)
J’ai été témoin sur place le 1er octobre de la détermination des catalans à exercer leur droit de vote, malgré les accusations d’illégalité et les menaces de sanctions, une détermination démocratique, résolue et pacifique. Sous la pluie, j’ai vu de longues files d’électrices et d’électeurs, de tout âge, de toute condition sociale, attendant patiemment pendant des heures l’ouverture des bureaux de votes, retardée par les violences policières, par la saisie de boites de scrutin et de matériel électoral, par les attaques répétées sur les réseaux dans le but d’empêcher la communication des listes et des résultats électoraux. Sur 2300 lieux de votes environ 400 ont été bloqués par la police, empêchant plus de 700 000 personnes qui voulaient voter de le faire. Sans ces violences et ces exactions, la participation aurait probablement dépassé les 60% au lieu des 42% actuels.

On peut rappeler ici cette phrase de Louis-Joseph Papineau : « il n'y a d'autorité légitime que celle qui a le consentement de la majorité de la nation. Il n’y a de constitutions sages et bienfaisantes que celles sur l'adoption de laquelle les intéressés ont été consultés et auxquelles les majorités ont donné leur libre accord ». La Constitution espagnole n’est pas « sage et bienfaisante » pour les catalans. La démocratie, oui c’est l’État de droit, mais un État de droit respectueux et respecté, voulu et défini par les citoyens. En Catalogne le 1er octobre, l’État de droit était dans la rue en train de voter, contestant de fait la Constitution d’un État qui l’englobe à ses conditions et, désormais, contre son gré.

La violence, perpétrée par l’État espagnol revient à vouloir priver tout un peuple de son pouvoir démocratique, à l’enfermer pour toujours sous le joug d’une légalité qu’il récuse. Le seul choix consiste donc à établir une nouvelle légalité, une Constitution catalane, élaborée par une Assemblée constituante démocratique et adoptée par le peuple, par référendum. Malgré les différences entre nos situations respectives, en Catalogne comme au Québec, la démocratie passe par une démarche constituante fondée sur le pouvoir du peuple exercé librement. La pression internationale doit s’exercer en ce sens.

samedi 30 septembre 2017

Le peuple Catalan a gagné son droit à l’autodétermination.

À la veille du référendum catalan du 1er octobre, je termine une tournée des partis et des mouvements politiques Catalans, organisée par le réseau Québec monde. Hier soir se tenait un rassemblement unitaire monstre à la Plaça d’Espagna, aux pieds du mont Montjuic qui surplombe la ville de Barcelone. Ce rassemblement mettait fin à la campagne pour le Oui à l’indépendance. Bien malin qui pourrait prédire aujourd’hui le résultat, veille du vote de dimanche. Chose certaine, le vote aura lieu avec une solide participation de la population catalane.


Devant les actes autoritaires et antidémocratiques du gouvernement espagnol, décidé à empêcher le vote par tous les moyens et à nier la liberté d’expression (saisie de publicité, directives aux médias, fermeture de site internet), il y a une réponse admirable de la population : 80% affirment vouloir voter pour décider de leur statut politique même si Madrid a déclaré le référendum illégal. À titre d’exemple de la détermination des catalans, lors de l’arrestation le 20 septembre de 14 fonctionnaires participant à l’organisation du scrutin, les policiers n’ont pu sortir de l’édifice qu’après un long moment, bloqués par une foule de 200 000 personnes qui s’étaient mobilisés spontanément pour protester contre cette attaque aux libertés démocratiques.

Dans les faits, le référendum du 1er octobre n’est plus principalement un référendum sur l’indépendance mais un référendum sur le droit à l’autodétermination. Même des groupes ou partis non indépendantistes comme Podemos, recommandent de voter dimanche et donc de défier la légalité espagnole. En ce sens, les actes de Madrid ont eu pour effet de solidariser les catalans, au delà de leur différences d’opinion.


Tout ne sera pas réglé dimanche, mais chose certaine, le peuple catalan aura franchi une étape importante vers son émancipation. Il aura gagné dans les faits son droit à l’autodétermination même si les manœuvres policières ou politiques du gouvernement espagnol fausseront probablement les résultats. Les catalans eux-mêmes, et le monde saura qu’ils ont le droit de se donner un pays.

mardi 26 septembre 2017

Les Catalans, prêts à la résistance pacifique.

La réaction des Catalans au coup d'État antidémocratique de l'Espagne n'est pas la crainte et le doute, mais la résistance et la détermination, une résistance pacifique qui est d'ailleurs commencée. C'est ce que nous disent tous les représentants des partis et des mouvements catalans que j'ai rencontrés hier et aujourd'hui dans le cadre de la mission de Québec monde.

Et les preuves sont là ! La police saisi de la publicité pour le SI ou des bulletins de votes; - on réimprime,  on affiche la publicité, et on envoie un pdf du bulletin de vote à des milliers de militants qui réimpriment. Un site Internet diffusant l'information sur le référendum est coupé; - un jeune informaticien le relance.
Le 20 septembre, on arrête 15 hauts dirigeants du gouvernement catalan ; - des dizaines de milliers de personnes manifestent spontanément à Barcelone devant le Ministère des finances (photo) et dans les mairies de tout le pays. On entend le bruit des casseroles dans tous les quartiers dont le mien, Gracia ... et on continue à préparer le vote. Comme nous l'a dit hier Jorgi Soli i Ferrana, d'enquerra Republicana, maire et député européen:  "s'ils veulent arrêter tout le monde qui travaillent au référendum, ils vont manquer de prisons". Nous allons voter le 1er octobre, quoi qu'ils fassent. Même sons de cloche du côté de Joan Vallvé i Ribera, vice-président d'Omnium Cultural, et aussi d'Albano Dante Fachin Pozzi et de Maria Martinez Iglesïas, porte-paroles d'un groupe parlementaire membre du gouvernement.

Les dirigeants des partis et des mouvements ne sont pas davantage impressionnés par les 6 000 policiers espagnols qui seraient prêts à intervenir dimanche prochain le jour du vote. Avec le nombre de bureaux de scrutin, cela ne fait pas beaucoup de policiers par bureau. Des 948 municipalités du pays, 760 vont collaborer en offrant leur infrastructure électorale, malgré les menaces envers les élus municipaux qui risquent une condamnation pour désobéissance civile et utilisation non autorisée (par Madrid bien sût) des fonds publics. Les citoyennes et les citoyens prendront les moyens démocratiques nécessaires  pour voter dimanche.

Quoi qu'il arrive le 1er octobre, la lutte pour l'indépendance va continuer.
Ici, de Barcelone le mouvement semble irréversible.

mercredi 20 septembre 2017

L'État espagnol bafoue la démocratie

Je suis actuellement à Barcelone pour participer à un mission d'observation du référendum catalan. Je viens d'apprendre l'inacceptable: la police espagnole, après avoir investi certaines imprimeries il y a quelque jours pour saisir de la publicité et des listes pour le référendum, occupe maintenant des Ministères catalans et détient certains hauts fonctionnaires pour empêche le Gouvernement catalan de fonctionner.

Le gouvernement de droite de Mariano Rajoy applique des méthodes dignes de Franco et des pire dictateurs en niant la démocratie catalane et le droit du peuple de choisir son avenir. La démocratie catalane est intense. Le 11 septembre, jour de la Diada, la foule majoritairement indépendantiste était estimée autour de un million de personnes. Encore hier, le 19, sur une place publique remplie à craquer près de mon appartement, j'ai assisté à un rassemblement plein d'énergie démocratique de la Esquierra republica pour le "Si" et la construction d'une république nouvelle. Selon un sondage, le référendum du 1er octobre est soutenu par 80% des personnes qui se sont exprimése, même si une  partie n'est pas pour l'indépendance. Les gens veulent s'exprimer et on les en empêche brutalement.

En appliquant ce régime de terreur, le gouvernement Rajoy pourrait ne pas réussir car il n'est pas majoritaire au Parlement espagnol et il pourrait perdre l'appui du PSOE et des députés basques à Madrid, qui prônent une solution autonomiste pour la Catalogne, mais qui le maintenaient au pouvoir jusqu'à maintenant. Par ailleurs, il est certains que la majorité des indépendantistes catalans sortiront renforcés dans leur conviction et voudront accroître leur résistance pacifique à un régime antidémocratique qui les oppriment.

L'opinion internationale doit les soutenir dans leurs droits démocratiques.

Vista Catalunya Lliure.

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